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04 - Chapitre III - La vocation.

par Louis Antoine

publié dans Hagiographie

Marguerite Marie.

Alors commence un dialogue avec Celui qu’elle nomme « mon souverain Maître ». Dialogue difficile à comprendre, pour nous lecteurs du 21ème siècle, en raison de son mysticisme exacerbé. Ainsi notre jeune Marguerite, ne reste pas insensible aux avances des garçons du village, mais se refuse à trahir l’Amour que lui témoigne Jésus. Cet Amour se manifeste par ce dialogue étonnant qu’elle nous décrit dans son autobiographie :
Marguerite est partagée entre le souci de plaire à sa mère qui rêve toujours d’un mariage heureux pour sa fille et l’appel de Jésus à se consacrer entièrement à Lui.

« Naturellement portée à l’amour du plaisir et divertissement. Je n’en pouvais plus goûter aucun, encore que souvent je faisais ce que je pouvais pour en chercher. Mais cette douloureuse figure qui se présentait à moi, comme mon Sauveur qui venait d’être flagellé, m’empêchait bien d’en prendre, car il me faisait ce reproche qui me perçait jusqu’au cœur » Page 45/21-

Marguerite ne voit pas très clairement quelle est sa vocation. Elle prend soin de petits enfants pauvres et leur donne quelques notions de catéchisme. Elle prie la Vierge Marie de lui accorder son aide. Elle s’inflige pénitences corporelles lorsqu’elle estime avoir péché par vanité. La vie religieuse l’attire incontestablement mais elle craint de ne pas être à la hauteur. Satan se met de la partie en la faisant douter de sa capacité à s’engager pour la vie :

« Pauvre misérable, que penses tu faire en voulant être religieuse ? Tu te vas rendre la risée de tout le monde car jamais tu n’y persévéreras. Et quelle confusion de quitter un habit de religieuse et sortir d’un couvent ! -Page 47/23-

Mais Jésus ne désarme pas et lui rend la paix tout en lui manifestant son désir de la voir toute à Lui sans partage.

« Il me fit voir qu’il était le plus beau, le plus riche, le plus puissant, le plus parfait et accompli de tous les amants, et que, lui étant promise depuis tant d’années, d’où venait donc que je voulais tout rompre avec Lui pour en prendre un autre. » -Page 48/24-

Sa décision est prise, elle sera religieuse mais elle ne sait dans quelle congrégation. Ses proches tentent de l’influencer pour les Ursulines de Mâcon pour y rejoindre sa cousine germaine, sœur Sainte Colombe, mais une voix secrète lui disait :

« Je ne te veux point là, mais à Sainte Marie. » -Page 51/26

Les Sainte Marie, était le nom souvent donné au dix-septième siècle, aux religieuse de la Visitation, institution fondée par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal et dont un monastère se trouve à Paray le Monial. (Les fondateurs avaient choisi ce nom évoquant la visitation de la Vierge Marie à sa cousine Elizabeth en pensant que certaines religieuses, bien que cloîtrées pourraient aller visiter les malades et les pauvres. Les autorités ecclésiastiques de l’époque refusèrent.)

Marguerite Bourgeoys.

-7 octobre 1640. C’est la date de la révélation pour Marguerite Bourgeoys. La procession organisée par les dominicains se dirige vers Notre Dame aux Nonnains, l’abbaye des Bénédictines. Marguerite participe dans les rangs des jeunes filles de la paroisse en récitant e chapelet. Le cortège arrive devant le portail surmonté d’une arche que domine une statue de la Vierge. Marguerite est passée des centaines de fois devant cette statue mais ce jour, son regard est attiré par la Madone et soudainement elle éprouve une sensation étrange, comme si elle recevait un choc sans que pour autant elle en perçoive une quelconque douleur. Dans ses mémoires elle décrit ce moment ainsi :

« …et en jetant la vue pour la regarder, je la trouvais très belle et, en même temps, je me trouvais si touchée et si changée que je ne me connaissais plus. Et retournant à la maison, cela paraissait à tous. » (1)

Marguerite Bourgeoys est encore ignorante des projets de Dieu pour elle mais elle a une telle soif d’idéal et un tel besoin de se dévouer pour son prochain que ce regard de la Vierge est une illumination. Sa voie est tracée, elle sera fille de Marie, entièrement au service de Dieu :

« Et comme j’étais fort légère, j’étais la bienvenue avec les autre filles ; mais dès ce moment, je quittai tous mes petits ajustements, et me retirai d’avec le monde pour me donner au service de Dieu. » (2)

Nous savons en effet par ses premiers biographes qu’à compter de ce jour, elle renonça à toute forme de coquetterie. Elle ne porta plus que des vêtements d’une grande sobriété de couleur brune ou noire, sans soieries ni ornements superflus.
Cependant, Marguerite ne trouve pas de suite le moyen de concrétiser son engagement. Comme si le Seigneur l’attendait pour un projet beaucoup plus important que celui de se retirer dans un couvent comme lui conseillait son confesseur :
Le projet important qui l’attend, sans qu’elle en ait la moindre idée, se trouve dans cette « Nouvelle France », où deux mois, jour pour jour, le 7 Août 1640, les « Associés de Montréal » se sont engagés à établir dans Ville-Marie des religieuses

« Pour instruire les filles sauvages et françaises de cette île. »

Marguerite d’Youville.

Les cloches de Notre-Dame ont carillonné en ce 12 Août 1722 pour le mariage de Marie Marguerite avec François d’Youville. La jeune mariée est rayonnante de bonheur. Sa vocation à ce moment là est d’être une bonne épouse et d’avoir des enfants.
Mais des épreuves ne tardent pas à assombrir ce bonheur des premiers mois de mariage. Les jeunes époux vivent au domicile de la mère de François et celle-ci s’avère être acariâtre et avare. La déception est grande pour Marguerite qui doit subir cette ambiance de mesquinerie et d’égoïsme sans que son époux n’intervienne. Elle est d’autant plus déçue qu’elle découvre que François tire la majeure partie de ses revenus de la vente d’alcool aux indigènes au mépris de la loi et d’une élémentaire morale. Aux reproches qu’elle peut lui faire, il ne répond que par dureté, indifférence et égoïsme. Se sentant libéré de l’emprise de sa mère, au décès de celle-ci, il commence à fréquenter les salons de jeux où il engloutit en quelques années la fortune qu’il venait d’hériter.
Dans le même temps les naissances se succèdent. Cinq enfants dont malheureusement trois décèdent au berceau. Mais Marguerite n’est pas au bout de ses peines. Son mari revient à la maison, terrassé par a fièvre et meurt quelques jours plus tard, le 5 Juillet 1730 . Elle se retrouve veuve à vingt huit ans, avec deux garçons, François et Charles respectivement âgés de six et un an et enceinte du sixième qui ne vivra que cinq mois. Les frasques de son mari laissent une dette de plus de dix mille livres, elle est ruinée et sans ressources. Pour subsister, elle tient un petit commerce de mercerie sur la place du marché et se fait la confidente de ses clientes. Elle est une fidèle paroissienne et s’est engagée en 1627 au service des pauvres dans la Confrérie de la Sainte Famille. Après le décès de son mari elle est élue, successivement conseillère, Dame de Charité, institutrice des postulantes et le 17 mai 1735 supérieure. Elle appartient aussi à la Confrérie de la Bonne Mort dont le rôle est de veiller les défunts avant leur inhumation. Elle n’oublie pas pour autant ses devoirs de mère et s’emploie à donner à ses fils une éducation exemplaire ; séminaristes à Québec ils furent tous deux ordonnés prêtres.
C’est ainsi que progressivement, sans manifestation extérieure, mais avec la grâce reçue vers l'âge de 26 ans, elle progresse dans sa vocation qui sera de se consacrer entièrement au service des plus pauvres. Elle rompt avec le milieu mondain que lui destinait sa noble naissance mais qui ne lui plait pas en raison du faste déployé par les nouveaux riches en fêtes trop somptueuses au regard de la misère du petit peuple.
Elle a pour conseiller spirituel un saint prêtre, Monsieur Gabriel du Lescoat qui un jour où elle se confiait à lui, accablée de chagrin, lui dit sous l’impulsion d’une inspiration divine :

« Consolez vous, ma fille, Dieu vous destine à une grande œuvre, et vous relèverez une maison sur son déclin. »

Désormais elle se consacre entièrement à sa mission avec quelques compagnes animées du même idéal vivant en communauté à la manière des religieuses mais au milieu du monde sans être cloîtrées. Nous sommes en 1737, Marie Marguerite vient d’avoir trente six ans.
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